Parutions

Le soir et le matin se battent à coup de pied ; que fais-je ici ? 

Livre des Rois de Bretagne. p 67

Une correspondance aux armées, lettres du sergent Yves Elléouët à l’aspirant Paul Savatier


2000 - Parution de "Une correspondance aux Armées", lettres du sergent Yves Elléouët à l’aspirant Paul Savatier, en 3 parties, illustrées par l’auteur. Collection Art Artistes, Rafael De Surtis Editions.

- Première partie : janvier à mai 1955,  
- Deuxième partie : mai à septembre 1955,  
- Troisième partie : septembre 1955 à mars 1956.

"Les lettres que j’ai reçues d’Yves Elléouët durant notre service militaire, entre janvier 55 et mars 56, à l’époque où se développait la guerre d’Algérie, ne renseigneront que médiocrement le sociologue ou l’historien. Elles intéresseront en revanche le lecteur curieux de littérature, puisque c’est un poète épris de liberté, tant dans la forme que pour le fond, qui y exprime avec une fantaisie souvent époustouflante ses doutes et ses enthousiasmes, ses espoirs et ses angoisses."  Paul Savatier.

Bibliographie générale - Autres parutions


1981 - Deux thèses soutenues à l'Université de Bretagne Occidentale de Brest "Yves Elléouët, une certaine idée du celtisme" par Philippe Guillarmou, et "Yves Elléouët dans le texte" par Jacques André.

1981 - Article de Michel Dugué dans la revue Europe, consacré à la littérature de Bretagne.

1983 - A l’occasion de l’exposition de peintures, au Musée de Morlaix, publication du catalogue de l’exposition, aux éditions Calligrammes : "Yves Elléouët, j’ai été sous une multitude de formes", (84p. 29-09-83) avec le concours des Musées de France. Préface de Charles Estienne, présentation de Françoise Daniel, thème astral de Yves Elléouët par André Breton. Textes : "Préliminaire" de Dominique Aury. "Sous le soleil de Jos" de Marc Le Gros. 19 ex. réimposés sur Vergé Val de Lana et sous emboîtage, accompagnés de 2 dessins en sérigraphie. Cette rétrospective a été possible grâce au concours d’Aube Elléouët-Breton et d’Oona Elléouët, de Marcelle et Jean Elléouët et de Jean-Jacques Cleach, maire de Morlaix. L’inauguration a eu lieu le 22 octobre 1983.

1983 - Parution du n°102 janvier/février de la revue "Encres Vives" Spécial Yves Elléouët avec la participation de Claude Roy, Hubert Juin, Jean Markale, Jacques André, Hervé Carn, Jean Marie Le Sidaner, Serge Meittinger, Denise Le Dantec, Paol Keineg. Dossier réalisé et présenté par Michel Dugué. Dessins de Calder.

1996 - Parution de la brochure de l’exposition rétrospective à Tréguier des oeuvres d'Yves Elléouët : "Yves Elléouët peintre écrivain", publié par la Mairie, sous la Direction de d'Henri Le Bellec.

1996 - Parution des n°s 6 et 7 de "La Rivière échappée", témoignages de peintres et d’écrivains, consacrés à Yves Elléouët, éditions La Lettre volée, directeur de la publication et de la rédaction : François Rannou, publié avec le concours du Centre National du Livre. Au sommaire : Michel Dugué, Paol Keineg, Marc-Henri Arfeux, Alain Jégou, Petr Král, Daniel Riou, Erwann Rougé, Pierre Jaouën, Melaine Favennec, Jean-Michel Goutier, Marc Le Gros, Jacques André, Marc Gontard, Hervé Carn.

1999 - Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes par Marie-Luce Pasquier, Université de Nantes

2008 - Edition d’un DVD "Yves Elléouët" collection "Phares". TFV, Aube Elléouët-Breton, Oona Elléouët, produit par TFV et distribué par les studios Win Win. Durée 81’. Coffret comprenant 1 DVD avec bonus et un livret de 96 pages.

2009 - BJORK, pseudonyme choisi par Yves Elléouët lorsqu’il était élève à l’Ecole Technique des Arts Appliqués à Paris pour signer ses caricatures tantôt tendres, absurdes mais souvent caustiques. Recueil de 33 dessins humoristiques réalisés vers 1950, la plupart sont inédits.  Ils ont été retrouvés par Aube Elléouët-Breton qui ignorait jusqu’alors leur existence. Ils sont présentés pour la première fois à la Rétrospective Yves Elléouët au Musée des Beaux-Arts de Quimper. Album édité avec l’aide d’Aube Elléouët-Breton et d’Oona Elléouët.

2009 - "Yves Elléouët" Catalogue de l’exposition consacrée à Yves Elléouët organisée au Musée des Beaux-Arts de Quimper du 19 juin au 14 septembre 2009 Textes : André Cariou, conservateur en chef, directeur du Musée des Beaux-Arts de Quimper et commissaire de l’exposition. Jacqueline Chénieux-Gendron, docteur ès Lettres, maître de recherche au CNRS. Jean Michel Goutier, écrivain. Alain Irlandes, directeur du service des expositions de la ville de Tours. Marc Le Gros, poète et écrivain. Renée Mabin, professeur de Lettres. Michel Pierson, ami d’Yves Elléouët. François Rannou, poète. Yves Vadé, professeur honoraire à l’université Michel de Montaigne – Bordeaux III Reprise de textes : Jean Markale, écrivain. Xavier Grall, écrivain. Pierre Jaouën, peintre. Michel Leiris, écrivain. Le livre et l’exposition n’auraient pu être réalisés sans les encouragements, l’aide et l’attention d’Aube Elléouët-Breton  et d’Oona Elléouët.

2009 - "Yves Elléouët" Catalogue de l’exposition consacrée à Yves Elléouët, organisée au Château de Tours du 06 novembre au 10 janvier 2010, repris de la rétrospective du Musée des Beaux-Arts de Quimper durant l’été 2009.

"BJORK"
Dessins pour sourire - 2009


BJORK, pseudonyme choisi par Yves Elléouët lorsqu’il était élève à l’Ecole Technique des Arts Appliqués à Paris pour signer ses caricatures tantôt tendres, absurdes mais souvent caustiques.

Recueil de 33 dessins humoristiques réalisés vers 1950, la plupart sont inédits. Ils ont été retrouvés par Aube Elléouët-Breton qui ignorait jusqu’alors leur existence. Ils sont présentés pour la première fois à la Rétrospective Yves Elléouët au Musée des Beaux-Arts de Quimper. Album édité avec l’aide d’Aube Elléouët-Breton et d’Oona Elléouët.

"ENCRES VIVES"
Spécial Yves Elléouët - 1983

Parution du n°102 janvier/février de la revue "Encres Vives" Spécial Yves Elléouët avec la participation de Claude Roy, Hubert Juin, Jean Markale, Jacques André, Hervé Carn, Jean Marie Le Sidaner, Serge Meittinger, Denise Le Dantec, Paol Keineg. Dossier réalisé et présenté par Michel Dugué. Dessins de Calder.

"Yves Elléouët, J'ai été sous une multitude de formes"
Editions Calligrammes - (84p. 29-09-1983)


Publication du catalogue de l’exposition au Musée de Morlaix : "Yves Elléouët, j’ai été sous une multitude de formes", avec le concours des Musées de France.

Préface de Charles Estienne, présentation de Françoise Daniel, thème astral de Yves Elléouët par André Breton.

Textes : "Préliminaire" de Dominique Aury. "Sous le soleil de Jos" de Marc Le Gros.

19 ex. réimposés sur Vergé Val de Lana et sous emboîtage, accompagnés de 2 dessins en sérigraphie. Cette rétrospective a été possible grâce au concours d’Aube Elléouët-Breton et d’Oona Elléouët, de Marcelle et Jean Elléouët et de Jean-Jacques Cleach, maire de Morlaix.
L’inauguration a eu lieu le 22 octobre 1983.

Presse


1975 - "la quinzaine littéraire" n° 197 article concernant la publication du "Livre des rois de Bretagne".

1977 - "la quinzaine littéraire" 31 janvier "Préface de Michel Leiris au livre posthume d’ Yves Elléouët".

1977 - "le Figaro" 20 avril "Le poète qui venait des brumes" par Guy Le Clec’h.

1977 - "les nouvelles littéraires" 27 septembre "Les racines du verbe" par Claude Bonnefoy.

1978 - "les nouvelles littéraires" 21 septembre "A la recherche d’un roi de bretagne" par Xavier Grall.

1979 - "Le Courrier du Centre International d'Etudes Poétiques" , n° 129-131 par Michel Dugué.

1981 - Revue "Europe" consacrée à la littérature de Bretagne par Michel Dugué.

1981 - "Le Trégor magazine" 8 août "Baratineur étrange, beau garçon caustique, prince prolétaire, voici… Yves Elléouët" par Jean Balcou.

1996 - "Le Trégor" 25 juillet. Exposition à Tréguier, "Yves Elléouët, le parcours d’une comète".

2009 - "la quinzaine littéraire" n° 984 "Le grand large" par François-René Simon concernant la production d’un DVD  "Yves Elléouët".

Coupures de presse

1975 - "la quinzaine littéraire" n° 197 article concernant la publication du "Livre des rois de Bretagne".

1977 - "la quinzaine littéraire" 31 janvier "Préface de Michel Leiris au livre posthume d’ Yves Elléouët".

1977 - "le Figaro" 20 avril
"Le poète qui venait des brumes" par Guy Le Clec’h.

1977 - "les nouvelles littéraires" 27 septembre "Les racines du verbe" par Claude Bonnefoy

1978 - "les nouvelles littéraires" 21 septembre. « À la recherche d’un roi de bretagne » par Xavier Grall.

1981 - "Le Trégor magazine" 8 août "Baratineur étrange, beau garçon caustique, prince prolétaire, voici…
Yves Elléouët" par Jean Balcou

2009 - "la quinzaine littéraire" n° 984 "Le grand large" par François-René Simon concernant la production d’un DVD  "Yves Elléouët".

LE MERVEILLEUX DANS L'ŒUVRE ROMANESQUE D'YVES ELLEOUËT

(Marie-Luce PASQUET)

Yves Elléouët n'est pas "né natif' de Bretagne (contrairement à ses grands-parents) mais breton de coeur, ayant sirn..,lement choisi un pays et se laissant interpeller par les voix mystérieuses qui s'en échappent.. Ses romans (Le Uvre des rois de Bretagne et Falc'hun) n'en sont pas au sens où on l'entend communément : "// faudrait parler de récits désordonnésde labyrinthes  le lecteur se perd s'il n'y prend garde. Car Elléouët sollicite sans affêt son attention, sa participation. Il pose des pièges aux esprits logiques et en cela, il est foncièrementceltique-0. Romans, récits, poèmes ? impossible de classer ces textes qui empruntent à chacun de ces genres. L'écrivain est un homme de frontière, "littéralement" et existentiellement parlant. Ainsi, le roman est aussi poème , par le rythme syncopé qui est le sien et le lyrisme dont il est empreint, celui-ci accompagné d'une profusion d'images (Elléouët se révèle un poète baroque). Ses textes sont éminemment poétiques, car "envisageant aussi bien l'enfance que la disparition, la nature, ou les histoires d'avant l'histoire, qui nous sont parvenues sous formes de mythes "1.

Présentation du Merveilleux

Yves Elléouët est à la recherche de racines, et procède à une (re)découverte de la matière celtique, en métamorphosant les bases du merveilleux. Ce phénomène se définit par la réaction d'un lecteur ou d'un personnage face à un événement inattendu. S'ils considèrent qu'il ne s'agit pas d'une illusion des sens, que l'événement a véritablement eu lieu, mais que la réalité est régie par des lois inconnues de nous, il est question d'un "surnaturel accepté", ou merveilleux. Celui-ci ne se donne pas tout à fait comme crédible, mais nous renvoie à un passé ou un ailleurs, où ce qui se donne à voir aurait été cru. Jacques Le Goff, dans L'imaginaire médiéval, parle de merveilleux "sans couture" , c'est-à-dire dont les manifestations peuvent se produire partout et en n'importe quelles circonstances.

Dans sa conception dualiste du monde, Elléouët envisage le merveilleux selon 2 axes principaux : le merveilleux païen (Mythologie) et le merveilleux chrétien (Histoire sainte), le peuple breton oscillant depuis toujours entre paganisme et christianisme, sans faire de choix entre Merlin et Jésus. La fête païenne et chrétienne, dans les romans de notre auteur, ne sont plus « inconciliables mais consubstantielles » 6.  Yves  Elléouët,  farouchement  anti-clérical  selon les dires  de sa femme, marque sa préférence pour la magie. Il s'attache à celle que l'on peut nommer "magie blanche", une pratique bienfaisante inhérente aux guérisseurs,  oignant les blessés  de  "certaine  pommade  douée de  vertus  singulières 41Il existe,  pour lui,  un breuvage aussi précieux que l'ambroisie des dieux de !'Olympe ou le sang du Christ, et dont les effets (l'ivresse) causent par exemple les changements d'identité de Troadic Cam 42, personnage principal du Uvre des roide BretagneLe caractère prosaïque de cette boisson (le vin) alliée aux effets merveilleux qu'elle provoque ramène le merveilleux chrétien au niveau humain.

O Pierre TANGUY, article extrait de la revue Foldaan n°3 (p. 47 à 53), 1982
1 Michel DUGUE , Ar Vag C'Hlas
6 Charles LE QUINTREC, Le château d'amour( p284)
41 Yves ELLEOUËT, Uvre des rois de Bretagne [Annexe 2, Merveilleux chrétien, p. 129]
42 Yves ELLEOUËT, Uvre des rois de Bretagne [Annexe 2, Merveilleux païen, Myt. celtique, p. 28]

        Il existe un principe à l'origine du  merveilleux : l'étonnement naît de la rencontre avec l'objet d'un désir ou d'une  crainte,

que la réalité ne peut offrir habituellement. L'Ankou, dans le Uvre des rois de Bretagne, est présenté sous les traits d'un homme, Jos l'Ankaw, qui appartient au monde des vivants autant qu'à celui des Ombres93. Le fait que la Mort ne soit plus une simple

allégorie mais un être de chair et de sang, un être du quotidien que l'on côtoie, renforce l'impression de proximité que ressent l'homme vis-à-vis d'elle. Il peut, d'un autre côté, toucher l'Autre-Monde du bout des doigts : le surnaturel devient commun et la peur de l'inconnu peut éventuellement s'estomper. La notion de fantastique quotidien est propre à Elléouët.

Il conjugue dans ses oeuvres le prosaïque et le merveilleux. L'alliance avec le quotidien empêche le merveilleux des métamorphoses d'être féérique, d'être pur. La leçon d'Elléouët, c'est qu'à partir de motifs largement utilisés par d'autres, il ouvre la voie à une réinscription originale des mythes, au long d'une écriture ménageant l'inattendu et l'irruption de subjectivités. Par-delà la parodie et la dérision, il nous réintègre en les actualisant, aux grands mythes du celtisme éternel (cité d'Ys). La légende, dans son oeuvre, apparaît donc rénovée, et non plus poussièreuse, elle jaillit, comme l'imaginaire, au milieu du quotidien, qui est ainsi en sublime accord avec le merveilleux. L'auteur récupère les événements quotidiens157 au profit de la transcendance.

Bretagne "pré-texte"

Yves Elléouët mêle histoire et légende, mais se sent libre par rapport à ses sources, qu'elles soient historiques ou légendaires . Il semble donc enclin à se passer des rigidités de l'histoire, démarche humaine par excellence, tous les peuples aimant à ignorer les passages de celle-ci qui les désavantagent, s'imaginant des royautés exceptionnelles et des empires universels. "Bretagne est univers" nous dit Charles Le Quintrec. Ce n'est pas une terre unique au monde puisqu' universelle, c'est­ à-dire exemplaire, car, comme toutes les autres, élevée et rabaissée pendant des siècles. Bretagne microcosme, mais surtout Bretagne " pré-texte(Michel Leiris), tremplin pour pénétrer le mystère du monde et des choses. C'est en effet une fenêtre ouverte sur le monde, et s'y affichent les grandes tensions de l'humanité, ses interrogations, ses rêves. Tout est là en réduction, semblable au pays découvert par Pantagruel. Yves Elléouët a surpris et mis au jour son pays "plus-que-nataf'3, car c'est une recherche de

!'Essentiel qu'il avait entreprise. Il partage l'avis de Georges Perros, qui écrit dans ses Poèmes bleus "La Bretagne est l'anecdote de ma quête qui reste tentative d'expulsion".

Il souhaite prendre ses distances par rapport au fond celtique utilisé, pour éviter de n'apparaître que comme un réactualisateur d'une certaine tradition.. Si Bretagne il y a, elle sera "Matrie" (Chateaubriand), c'est-à-dire lieu de ressourcement et d'images fécondes. Nécessité vitale, loin du gadget pittoresque.

93 Yves ELLEOUËT, Falc'hun [Annexe 3, Merveilleux "pur", Êtres surnaturels, p. 12]
1 5 Yves ELLEOUËT, Falc'hun [Annexe 3, Merv. surréaliste, Le rêve comme stupéfiant-image, p. 61]
3 Hubert JUIN, Mouvante statue, article extrait de la revue trimestrielle Encres Vives n° 102 (Janvier/février 1983)

        Cette Bretagne, pays de légende et de liberté, offre partout le contraste du vieux pacte passé avec la noblesse du matériau, et l'aggressivité du modernisme, mais il semble que cela veuille faire un tout plutôt harmonieux. Elléouët est nostalgique du "royaume  de Bretagne,  non pas  d'un royaume réel,  ou tenu pour réelgéré par des hommes,  mais d'un royaume intemporel

où, enfin cesserait d'être perçue contradictoirement la dualité du jour et de la nuitdu bien et du malde la joie et de la souffrance, de la vie et de la mort » 9, ceci avant de leur faire subir des transformations"Le vrai sens de la vie[selon Charles Le Quintrec], ce n'est pas autre chose que la volonté de "changer la vie"112. Yves Elléouët semble adhérer à cette opinion, lui qui

M la conscience de Bretagnes épiques et quotidiennes, mais aussi le témoin de cette réalité plus vaste qu'est l'esprit humain. La Bretagne constitue un de ces lieux où règne la multiplicité, capable donc de tresser dans le même tissu un quotidien souvent sinistre et les mythes les plus éclatants. Il d'un côté le monde des fables, de la superstition, de l'autre celui d'une tranquillité pragmatique, à laquelle l'auteur essaie d'accèder. Sa démarche littéraire est originale, dans le sens où il réinvente des classiques,

les "remixe" en recourant à la représentation qu'il se fait de l'imaginaire breton. Les métamorphoses sont des expressions du désir, qui pousse à la recherche d'autre chose, de la censure, de l'idéal, de la sensation, issues des profondeurs de l'inconscient et prenant forme dans l'imagination créatrice. Il est peut-être temps d'envisager le merveilleux comme le moyen de dire une douleur, et ainsi, de l'exorciser, ce à quoi s'emploie le romancier.

Enjeux du Merveilleux et "outils " utilisés

L'écrivain  attache  beaucoup  d'importance  au Passé. Mais cette descente  aux origines  n'exclut pas la  gaieté, le récit

parodique : "El/éouët est roi de Bretagne"les bras cerclés d'argent''. puis immédiatement après ivrogne accoudé  au bar d'un débit de boissons brestoisou vieucolonial montant dans un bordel de Recouvrance » 33Cette opération-caméléon intrigue le lecteur, sollicite son imaginaire. Georges Cocaign (alias Troadic Cam), le roi-barde, répercute d'anciennes légendes, qu'Elléouët travestit pour élaborer des mythes modernes.. L'auteur semble penser que les dieux et les démons sont en nous, et que le Ciel et l'Enfer ne sont pas des lieux où l'on se rendrait après la mort mais des états d'être. Le Paradis et l'Enfer seraient sur terre49_ Dans le Livre des rois de Bretagne, par exemple, il existe un antre prophétique  : le "bistrot Cariou", "l'île enchantée"  de Troadic Cam, chaleureux et bien au sec, une conception païenne du paradis.

9 Jean MARKALE, Comme un barde imaginé, article extrait de la revue trimestrielle Encres Vives
112 Charles LE QUINTREC, La Bretagne de Chartes Le Quintrec
33 Benoit KERRAIN, Renaissance d'Yves Bféouët, article publié dans Au pays du sel profond
49 La Bible, Nouveau Testament (Evangile selon Matthieu {25}, Le jugement dernier, p. 46)

« Par sa manière de capter le merveilleux dans les situations ordinairesdans cette façon de rester toujours ouvert à l'inattendu" (Pierre JAOUËN), Elléeouët est surréaüste. Dans son entreprise de changer le monde, il a recours au grotesque, à l'humour (outil surréaliste par excellence), et au gigantisme (merveilleux hyperbolique : Georges Cocaign par exemple), se

rapprochant  ainsi de Rabelais  à qui il semble faire un clin d'oeil. Ce qui est hyperbolique, excessif, hors normes constitue une désaliénation : le refus des normes signifie le refus du système. Yves Elléouët a choisi de remanier la réalité, de présenter une nouvelle façon d'appréhender la vie grâce au merveilleux , au rêve et au rire., outils premiers du surréalisme. Le rire est pour lui libération et raison. Il provoque l'espoir en mettant en exergue le comique de la vie quotidienne, sa joyeuse relativité. Elléouët use de la parodie, qui repose sur la transposition  du solennel en familier (Georges Cocaign est fréquemment assimilé au Christ, mais à un Christ païen, intéressé par la chair 57, et la bonne chair 58 une sorte de Gargantua, maître de la vie et de la mort, glouton et doué d'une énorme activité sexuelle).

L'objet du merveilleux, c'est "l'expression de la liberté complète dans la spéculationet de l'imagination déchaînée"146. Les surréalistes commencent par libérer les mots pour libérer la pensée. Ils soutiennent que la réalité est laide par définition, que la beauté n'existe que  dans ce  qui  n'est pas réel. "Pour produire du  beau,  il faut s'écarter  le plus  possible"338  de celui-ci ;  c'est

l'homme  qui introduit la beauté dans le monde. Berceau de rêvesi important pour le psychismele merveilleupermet la

manifestationdes aspirations les plus profondes » 339. Perpétuel mécontent de son sort, en effet, l'être humain angoissé trouve fréquemment dans son invocation un puissant dérivatif à ses peines, ainsi qu'une abondante source d'espoir. Le merveilleux offre ainsi une clef aidant à obtenir un début de transcendance, celle du bonheur éternel qui permet d'atteindre le "Paradis", le sommet du mât de "Cocaign".

Yves Elléouët touche du doigt ce rêve, par le saut qu'il fait faire à ses personnages dans l'Au-Delà ou "Paradis" : monde idéal où l'amour humain, transcendé, trouve sa récompense ici-bas. . "Comme l'ivresse,  la sexualité [l'acte profane] procure l'état second qui  permet  d'oublier,  de  dépasser  un  premier  état  se  limitant  prosaïquement  au  réel  perceptible ;  l'acte  sexuel, [véritable maïeutiqu21 J nou met en état de "stopper-le-monde" pour  « Voir » 212. La recherche  du Paradis perdu est une opération alchimique. N'est-ce-pas le souhait de tout homme, depuis Adam et Eve au jardin d'Eden ? L'amour semble être la seule réponse à  une recherche  d'Absolu, mais les rencontres, bien qu'intenses, sont éphémères  dans les romans d'Yves Elléouët317, et la seule éternité se trouve dans la mort. Le voyage de Thérèse et Troadic les aura-fil menés à la "Terre Promise", au "pays brillant » ? La fusion de leurs corps nous semble l'indiquer. Au sommet de l'île, ils formeront le chant extatique, eux-mêmes, confondus, et ressuscitant un nouvel être, brûlant du désir de nous livrer son trésor.

 

57 Yves ELLEOUËT, Uvre des rois de Bretagne (Annexe 2, Merveilleux païen, Myt. celtique, p. 206] 58 Yves ELLEOUËT, Falc'hun (Annexe 3, Merveilleux chrétien, p. 29]
146 André NEYTON, Le merveilleureligieudans /'Antiquité 338 André BRETON, Premier Manifeste du surréalisme (1924) 339 André NEYTON
211 La maïeutique est l'artde faire accouche.r Dans la philosophie socratique, c'est l'art de faire découvrir à l'interlocuteur, par une série de questions, les vérités qu'il porte en lui. (Die. Le Petit Robert)
212 Philippe GUILLARMOU
317 Yves ELLEOUËT, Falc'hun (aventure avec Aziliz, p. 140-141)

Véritable quête d'Yves Elléouët

Le déchiffrement de la conscience du '"romancier'' est rendu possible si nous considérons ses mythologies comme un "guide de la Bretagne mystérieuse", doublé d'une exégèse humoristique, parodique. Il se joue de !'Histoire comme à plaisir, et c'est là que s'exprime son humour, dans une reconstruction de celle-ci, stylisée, baroque, dans la déformation d'une mémoire défaillante mais toujours inventive. Tous les mythes racontent la même histoire : le triomphe du jour sur la nuit. C'est en effet ce que souhaite et que prédit Yves Elléouët, par l'intermédiaire de Cocaign, le barde-vaticinateur (re-naissance, réincarnation: cf Eliezer Falc'hun). La littérature portant sur la "matière de Bretagne" est dite récréative, mais le romancier en a fait quelque chose de plus profond. Il présente la Bretagne comme l'ébauche d'un monde édénique : celui de l'Age d'or, du Paradis perdu. Charles Le Quintrec, parlant de la Bretagne au nom des bretons, affirme : « [Nous] la mettons au monde jour après jour et elle n'est rien d'autre que la somme de nos rêves et de notre amour", elle constitue "ce pays d'avant la faute"214_ La réflexion du romancier se disperse souvent en des lieux et des situations où nous ne l'attendions pas, sans jamais se perdre cependant, car il est un mornent où la cohésion se fait, l'équilibre se retrouve entre les forces dynamiques et les forces statiques, dans le retour de la pensée sur les obsessions que sont le temps, la mémoire, !'Histoire, le désir, la vie et la mort. La cohésion se fait si l'on comprend le projet  d'ensemble  :  il y  a un monde  à  trouver, à promulguer,  un merveilleux humain. Yves Elléouët  s'évertue à travailler la matière bretonne au moyen d'instruments universels : la mythologie, le cauchemar et la quête. Cette matière n'est pas pour lui une fin, mais un moyen, un intermédiaire au véritable objet de sa propre quête : !'Esprit Celte, esprit de révolte, de liberté.

L'Idée celte, pièce maîtresse de I' œuvre d'Elléouët, est revêtue d'un double aspect, passif et actif : l'homme est sans cesse sollicité par ce que nous avons nommé "le fantastique quotidien", mais il peut lui-même susciter ce fantastique, en destructurant, grâce à l'art, la réalité pour la recomposer à son gré. Il semblerait que les Celtes aient été surréalistes avant l'heure.

Ils prônent en effet, dans leurs contes, la liberté, l'imagination débridée, l'alliance de l'ancien et du moderne, du merveilleux et du proiaïque (telle la rencontre fortuite d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection). C'est le pari réussi d'Yves Elléouët, alchimiste, dont la quête du surréel se distingue dans la spécificité de ses romans : Falc'hun étant celui du regard, de l'oeil initié, et le Uvre  des rois de  Bretagne, celui de la Parole. Ce qui compte,  c'est dire :  le langage  remplace le réel. C'est ainsi qu'Yves Elléouët est vivant à jamais pour nous.

Dans le domaine littéraire, [selon André Breton,] seul le merveilleux  est capable de féconder des oeuvres ressortissant  à un

genre inférieur tel que le roman 341. On peut se demander pourquoi Yves Elléouët, fervent adepte de poésie, a opéré un "glissement" vers le roman, par le biais de la prose poétique. Peut-être parce que le premier genre évoqué, en raison de ses astreintes structurelles, lui donnait l'impression d'être emmuré, aliéné, brimé ?

 214 CharlesLE QUINTREC
341 André BRETON, Premier Manifeste du su"éalisme (1924)