Le livre des Rois de Bretagne
Il prendra l’apparence de tous les animaux. Ceux de la mer et ceux de la terre.
Il sera un dragon devant les armées…
Livre des Rois de Bretagne. p.228
Dans la tradition celtique, les îles sont les tombeaux des Dieux. Ces Dieux ou ces Géants ont été enfouis dans la terre et la roche des écueils qui sont des domaines sacrés, "en relation avec un mythe de mort et de résurrection". Ce personnage de la vie quotidienne, cet ancien colonial "retour des pays chauds" est-il l’un d’entre eux ? Georges Cocaign, dit Troadic Cam, apparaît à la suite d’une exhumation grandiose. Peut-être ne sait-il pas lui-même s’il est d’ici et d’aujourd’hui, ou s’il est "vieux comme le monde", s’il est la réincarnation d’un héros ancien ou simplement un homme doué d’imagination et aussi d’une mémoire mystérieuse ? Il est tout cela, sans doute, et plus encore, car nous abordons là le monde des métamorphose, où le "réel et l’imaginaire cessent d’être perçus contradictoirement". Les autres protagonistes du récit, ainsi que les animaux et les objets, subissent également cette loi des avatars. Un seul parmi tous est immuable : Jos L’Ankaw ; plus ancien que la mémoire et que la voix. Il est "le Chevalier à la Charrette" ; il peut dire : Je connais tout le monde, et un jour ou l’autre chacun me connaît. Yves Elléouët (1932-1975), a été graveur, peintre, marin-pécheur. Il a publié des poèmes. Il a publié deux romans : Livre des rois de Bretagne et Falc’hun.
Comme il leur fallait un porte-parole, on l'est allé déterrer de l'île voisine. C'était un dieu, un géant. Non sans mal il a donc pris corps parmi nous, et s'est fait chair, et drôlement. Car si pour l'état-civil il n'est plus qu'un retraité colonial, nous savons qu'en réalité Georges Cocaign dit Troadic Cam dit T. Buveur chez Cariou est un ressuscité qu'on a tiré de son île parce qu'on avait tellement besoin de lui, de le voir et de l'entendre. Maintenant, vous comprenez que la vie est devenue si tragique puisqu'on ne sait même plus pourquoi on meurt.
Et Troadic ? entre fornications et soûleries ? de parler parler…C'est qui Joël ? le roi terrible ou l'assassin de la campeuse ? c'est qui Salaün ? le roi martyr ou le petit garçon tué par l'autocar ? Mais parmi eux il en est un qui n'a pas eu à naître et à mourir. Il se nomme Jos l'Ankaw, il est épicier ambulant et se livre surtout la nuit au "marché noir". Il connaît tout le monde et un jour ou l'autre tout le monde le connaît. Il est seul à incarner le mal, le mal irréfutable. Mais il n'y a de mal que dans ce qui tue. Le reste, les Celtes nous l'ont appris, relève de l'hypocrisie, ô christianisme…Le coupable est Grallon, non Dahut la superbe. Seulement on ne sait plus ce qu'est le sacré, sans quoi le monde est " comme une gourde vide". Alors ? D'où ces paroles revigorantes de Georges Cocaign dit Troadic Cam dit T. Buveur chez Cariou autrement dit Yves Elléouët. Par-delà la parodie et la dérision il nous réintègre, en les actualisant, aux grands mythes du celtisme éternel.