Biographie
« Lui qui savait dire les couleurs et leurs nuances et le mouvement des choses, d’un coup de pinceau ou d’un coup de plume, peintre et poète »
Xavier Grall - Extrait « à la recherche d’un roi de bretagne- Yves Elléouët »
1958-1959
Yves arrête son travail à l'imprimerie, pour se consacrer à la peinture et à la poésie.
Il manie parallèlement pinceau et plume, "tiraillé" entre deux formes d'expression qu'il ne cherche pas à séparer.
Il peint et écrit en écoutant Charlie Parker, John Coltrane, Miles Davis, Billie Holiday…
Exposition de fresques, avec Pierre Jaouen, à la galerie de la Cour d'Ingres à Paris, qui montre une recherche symbolique sur "l'espace et le temps".
Il est attiré par Antoni Tàpies, Serge Poliakoff, Charles Lapicque, Nicolas de Staël.
15 décembre 1959 – 29 février 1960
Yves participe à l'Exposition Internationale du Surréalisme Galerie Daniel Cordier, à Paris, qui a pour thème l'Erotisme, où il expose une toile "Nymphette » - 1959 - et un objet "Frôler la nuit" - 1959 -
Il déménage avec Aube au 42 rue Fontaine, au-dessus de l’atelier d’André Breton.
En septembre
Il signe le "Manifeste des 121", déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie.
Dans un projet de "repérage analogique*" des artistes surréalistes, établi pour le catalogue de l'Exposition Internationale de New York (hiver 1960-1961), André Breton le place sous le signe de Merlin, en compagnie de Tanguy, Miro, Mimi Parent et Roland Giguère.
Mai 1961
Participe à l'Exposition Internationale du Surréalisme Galerie Schwartz à Milan, où il expose deux toiles : "Le Cyclope" -1960- et "L'entrée du Mastaba"-1960- . Rencontre avec Charles Lapicque.
Yves et Aube passent souvent leurs vacances au Palud, à La Roche Jaune (Côtes d'Armor) dans la maison prêtée par Calder.
En septembre
Interview de Pierre-Jakez Elias dans son émission Lu et Approuvé, pour FR3 Bretagne-Pays de Loire, introuvable dans les archives audiovisuelles ; invitation à l’émission « Ouvrez les Guillemets » de Bernard Pivot, jamais diffusée pour cause de grève.
Pierre Jaouën dans "La Rivière échappée"
Le peintre dont je vais vous parler était un ami. Aussi, je vous parlerai de lui comme on parle d'un ami. Pour moi, il n'y a pas vraiment de séparation entre l'oeuvre et le personnage; donc parler de lui, c'est parler de son oeuvre et parler de son oeuvre, c'est parler de lui.
Charles Estienne – un écrivain qui a, lui aussi, des attaches profondes avec la Bretagne – a écrit dans une de ses préfaces que "ce qu'on écrit sur le sable n'est pas ce qu'on écrit dans les livres" et plus loin il ajoute : "On écrit toujours, mais la mer monte". Sans doute, faisait-il allusion à ces actes poétiques gratuits qui ne laissent aucune trace. Aujourd'hui cette phrase d'Estienne me paraît particulièrement opportune parce qu'elle me fait penser à ces tranches de vie, ces pages de sable que le temps effacerait à jamais si les amis n'en rendaient pas compte, rétablissant ainsi une relation plus vraie, plus tendre aussi, entre la vie et l'oeuvre d'un artiste.
Yves Elléouët, il me semble que je le vois "avec les yeux de la pensée", comme dit Hamlet. Je le vois à l'époque où il nous rendait visite dans le Finistère, partant pour ses promenades solitaires avec son petit carnet et son bout de crayon dans la poche.
Je le vois, quand nous marchions ensemble dans les rues de Paris, parlant de tout sauf de la peinture.
Je le vois dans son atelier de la rue Fontaine ou celui de la rue de Vaugirard. Je l'entends encore parler à son perroquet Vert-Vert en imitant l'accent du Nord Finistère. Je le vois surtout me lisant un de ses poèmes après avoir mis un disque de jazz. Il lisait sans emphase, s'appuyant sur la base rythmique et se coulant dans le phrasé de la trompette de Miles Davis ou du saxo de Coltrane. Aujourd'hui encore, je ne peux entendre des morceaux comme "Kind of Blue" ou "Round about Midnight" sans penser à Yves, tant sa vie, son travail étaient liés au jazz.
Comme son nom l'indique, Yves Elléouët est breton, mais il faut tout de même ajouter qu'il était d'abord parisien et c'est important de le dire car c'est son retour en Bretagne (ou plutôt son retour à la Bretagne) qui a marqué le tournant essentiel de son oeuvre plastique et littéraire.
Je crois que j'ai modestement participé à ces retrouvailles en organisant un séjour à Trémazan, dans le Finistère. Cette région, Yves la portait dans son coeur, car il avait passé les années de guerre à La Roche Maurice étant enfant.
Curieusement, Yves n'a jamais habité la Bretagne. Aube et Yves vivaient, comme on l'a dit à Paris. Puis ils se sont installés en Touraine quand la vie est devenue plus douce. Il n'y a pas de paysage plus français que la Touraine et on s'étonne de voir une oeuvre si typiquement celte naître dans ce "jardin à la française".
Cette apparente contradiction s'explique par le fait que la Bretagne est avant tout son territoire mental, son territoire de rêve – et pour le préserver il faut garder une distance avec le territoire réel, y retourner seulement de temps en temps, pour que le contact direct, violent, garde toute sa force révélatrice.
Yves est surréaliste, et il l'est même officiellement puisqu'il fait partie du groupe; mais surréaliste, il l'est surtout par sa manière de capter le merveilleux dans les situations ordinaires, dans cette façon de rester toujours ouvert à l'inattendu. Surréaliste, il l'est mais à sa manière: explorant un domaine à part et se tenant, pour cette raison, en dehors du groupe dont il critique dont il critique les petites manies et les tics de langage.
Il a toujours travaillé sans se préoccuper de ce qui se passait dans le groupe et le groupe ne semble pas s'être préoccupé de ce qui se passait dans sa tête. Etrangement, cet éloignement lui permet de maintenir une relation plus noble, plus franche avec Breton, mais il y a toujours entre eux cette distance qui est le signe d'un respect mutuel.
Parmi les jeunes surréalistes, Yves est sans doute celui qui a le mieux compris Breton et aussi celui qui l'a le mieux aimé. Cela tient au fait qu'en tant que poète, il se sert journellement de cette clef que Breton a offerte si généreusement à la jeunesse et à la poésie. (Je crois qu'on peut l'appeler la "clef des champs").